Premiers chapitres de S.E.V.E.N. : Les Héritiers

Chaque chanson définit un personnage grâce à son péché mortel, libre au lecteur d’imaginer son caractère.

Dakota Ohana – Candy man, Christina Aguilera
Sam Montgomery – The Lazy song, Bruno Mars
Evan Sandoval – Wings, Macklemore & Ryan Lewis
Victor Keita – Don’t stop me now, Queen
Elke Caddoan – I hate everything about you, Three Days Grace
Nate Gibbs – Sex, The 1975
Wyatt Beatini – Wayfaring stranger, Ed Sheeran

Il était une fois, il n’y a pas si longtemps, ou peut-être, on ne sait pas très bien, dans un futur lointain, une planète qui souffrait d’une maladie incurable.
La Terre.
Pendant des millénaires, les humains avaient foulé ses plaines, gangrené sa nature pour construire des bâtiments plus imposants les uns que les autres. Les nouvelles technologies s’étaient développées jusqu’à prendre la place la plus importante dans la société, au même titre que l’argent.
La médecine s’était perfectionnée, au point de rendre les êtres vivants presque immortels. Surpeuplées, les villes du monde entier se disputaient à présent les maigres ressources dont bénéficiait la planète.
Évidemment, les biens de première nécessité allaient tout d’abord aux riches et aux plus puissants qui avaient les moyens d’acheter leur survie aux pays plus pauvres.
Les sols regorgeant de minéraux, de pétrole et autres matières premières étaient les plus convoités dans ces temps de crise. Leur exploitation engendrait guerres civiles ou internationales, en fonction du besoin de chacun.
Entrer dans l’armée n’était plus qu’un stupide prétexte pour se délecter des meurtres et des exécutions d’innocents, présents au mauvais endroit et au mauvais moment dans les conflits mondiaux. On utilisait sans peine et sans remord armes chimiques et autres poisons nucléaires, peu importait si l’environnement en pâtissait.

Les paysages se dégradaient au fil des générations, abîmés par la pollution et le non-intérêt des êtres humains. Les végétaux disparaissaient avec le temps, laissant la place à des déserts mortels, de glace ou de sable.
Les animaux périssaient également, plongeant le monde dans un état de détresse profonde. L’alimentation était devenue un sujet tabou et difficile d’accès pour chacun. On ne se nourrissait plus que de mets fades et artificiels, dont les apports nutritifs se révélaient plus que faibles.
La société avait basculé du capitalisme extrême aux lois arbitraires du « chacun pour soi ». Certains pays se réunissaient en alliances douteuses, tentant d’aller de l’avant en laissant leurs confrères loin derrière. Certains peuples n’avaient même plus le droit à la parole, leur régime ayant franchi le seuil de la dictature infinie, sans moyen de faire machine arrière.
Une fosse s’était creusée entre les différentes générations qui n’hésitaient plus à s’entre-tuer dès qu’ils le pouvaient. Les dirigeants des continents se faisaient un plaisir de laver le cerveau aux jeunes à coup de surinformations tandis qu’ils affaiblissaient les vieilles personnes avec des médicaments inutiles et onéreux. D’ailleurs, le « troisième âge » devenait un fléau à exterminer : alors que les adolescents s’abrutissaient devant des idoles parfaites et fictives dont on tirait les ficelles, on faisait en sorte d’anéantir les grands-parents petit à petit, car les garder en vie demandait trop de temps et d’argent.
Les religions devenaient une impasse, où il était impossible de se réfugier, car les extrémistes y régnaient. Des batailles « saintes » étaient courantes, voire communes. On osait clamer que tuer n’était pas condamnable si c’était pour l’amour de Dieu.
Une société corrompue, des convictions bafouées, un monde perdu.
En parlant des dieux, tous s’étaient réunis pour parler et discuter des mesures à prendre face à ce désastre. Les « nouveaux » dieux, contemporains, ayant parfois entraîné la création de sectes, se mirent de côté afin de laisser leurs chances aux divinités oubliées. Réduites pendant des milliers d’années au statut d’anciennes puissances célestes, les dieux des peuples antiques prenaient plaisir à retrouver leur importance d’antan. Des divinités grecques ou romaines, en passant par les dieux égyptiens ou nordiques, tous se mettaient d’accord sur un seul et unique point : la Terre avait besoin d’un nouveau départ.

 

Ils mirent tout en oeuvre pour offrir à la planète une fin rapide et spectaculaire. Comme des siècles auparavant, le monde avait besoin d’une arche de Noé, d’un déluge héroïque.
D’abord, les tremblements de terre titanesques commencèrent, rendant les humains impuissants, tels des fourmis dont on aurait écrabouillé la fourmilière. Les infrastructures les plus résistantes furent réduites en poussière, mises en morceaux. En s’écroulant, elles piégèrent une nuée d’êtres humains qu’on ne pouvait secourir, faute de pompiers ou de médecins. Les plaques tectoniques ne s’arrêtèrent pas à ce massacre et se rencontrèrent avec plus de force et de vivacité. Les continents à la dérive, que les scientifiques ne pouvaient plus contrôler, se rapprochèrent et se fracassèrent tous les uns contre les autres, créant montagnes et précipices.
La Pangée Ultime était recréée.
Des milliers de gens avaient survécu au déchirement des entrailles de la Terre. Mais les dieux avaient besoin d’une humanité purement et simplement éteinte. Pour tout recommencer. Il fallait désherber le jardin du paradis, enlever les mauvaises pousses avant de planter les fleurs parfaites.
Dans un même temps, les éléments dans les mains des dieux se déchaînèrent. Les éruptions et les nuées ardentes de chacun des volcans du monde, même en sommeil, achevèrent de pourrir l’air déjà vicié de l’atmosphère. Les sables du Sahara et du désert de l’Océanie se soulevèrent pour créer des vagues immenses qu’on ne pouvait éviter. Rasant tout sur leur passage, elles visitèrent l’Europe et l’Asie avant de s’attaquer aux côtes de l’Amérique entière. Les eaux aussi devinrent folles : les océans rassemblés en un seul, mondial, s’activèrent de finir leur travail de mort.
Les derniers êtres humains, les miraculés, ne purent survivre encore une fois à cette catastrophe : ils furent engloutis par les ras-de-marées et autres tsunamis jusqu’aux crevasses sans fond créées par les précédents tremblements de terre.

 

La race humaine presque entièrement disparue, les dernières ethnies éteintes, les dieux décidèrent qu’il était temps de stopper leur punition. Ils laissèrent alors vivre les animaux, êtres vivants privés des défauts mortels de l’Homme, pour qu’ils puissent repeupler leur terre progressivement. La nature reprendrait son droit sur l’asphalte, le béton et les champs trop cultivés par les engrais néfastes.
En se concertant ensuite, les divinités prirent la décision de garder en vie une poignée d’humains valeureux, dépourvus des pires vices de leur espèce.
Après des journées à batailler avec les éléments, une semaine exactement, les fléaux s’apaisèrent. Selon la légende, il avait fallu sept jours pour créer la planète, les dieux avaient eu besoin d’autant de temps pour la détruire.
Ils observèrent avec attention leurs nouveaux protégés. Les puissances célestes choisirent avec précaution leurs héros, leurs figures et hommes de légende qui pourraient se réincarner en de nouveaux humains. Ils les sélectionnèrent avec tact tout en prenant soin de ne pas oublier de les doter de péchés qu’ils devraient surmonter sous peine d’être tués par leurs faiblesses.
Sur Terre, sept femmes éparpillées sur la surface du globe étaient sur le point d’accoucher. Seules ou avec leur compagnon qui leur tenait la main, elles s’apprêtaient à donner vie.

« I’m gonna fight them off,
A Seven nation army couldn’t hold me back
They’re gonna rip it off,
Taking their time right behind my back,
And I’m talkin’ to myself at night,
Because I can’t forget,
Back and forth through my mind,
Behind a cigarette. »

Derrière une table renversée, dans un bar délabré en Irlande, une jeune femme tenait son ventre. Ses boucles blondes et cuivrées reposaient sur ses tempes empreintes de sueur. Elle allait accoucher, entre deux verres cassés au sol, dans un pub irlandais où elle avait trouvé refuge. Les gérants étaient introuvables et son compagnon, britannique à l’accent légèrement différent du sien, était parti, en quête d’un peu d’eau et d’une serviette pour lui éponger le visage.
La future mère avait déjà perdu les eaux. Ses mains tremblantes se posèrent sur le sol afin de l’amener dans une position plus confortable. Ses yeux clairs, bleus, se posèrent sur ses jambes écartées, prêtes à laisser passer un bébé, un tout petit être qui ne demandait qu’à naître. Elle pesta comme les Irlandais savaient tellement bien le faire, tout en poussant, se demandant où diable son petit-ami s’était caché. S’était-il évanoui, trop affolé par l’accouchement ?
Il réapparut soudainement, avec dans les bras une bassine et du papier hygiénique, récupérés dans les toilettes publiques du bar. Le garçon évita l’insigne qui représentait un Lepreuchaun vêtu de vert et sauta par-dessus les chaises sens dessus dessous. Enfin, il tomba à terre, genoux en avant, pour aider sa compagne qui souffrait le martyr.
La douleur n’est rien comparée au bonheur de recevoir un enfant. La jeune femme l’apprendrait très bientôt. Mais en attendant, les
dieux envisageaient quelle réincarnation pourrait correspondre au nouveau venu sur Terre.
Ils optèrent pour une divinité sincère, fière et assez ancienne pour avoir la tête sur les épaules.
Un dieu égyptien se porta volontaire, conscient que l’on avait besoin de son aide. Une partie de son esprit resterait au Royaume Céleste et l’autre s’ancrerait dans l’âme d’un nouvel enfant anglo-irlandais.
Le dieu, seigneur du temps, de l’écriture et des scribes, devrait faire face à un péché mortel difficile à surmonter. Le maître de la lune, symbole de la nuit et du sommeil, devrait trouver la force dans ses derniers retranchements : toutes les sciences en sa possession ne seraient peut-être pas suffisantes. Son don pour les mathématiques ne serait d’aucun secours pour la divinité à la tête d’Ibis.
L’amour pour le repos, la tendance à oublier ses devoirs ou à se faire violence pour les accomplir… Tout cela pourrait se retrouver fatal pour Thôt, le dieu égyptien qui parvenait à contrôler le temps. L’Acédie deviendrait son péché capital. Pourrait-il trouver la motivation pour transformer ses idées en actes véridiques ? Pourrait-il échapper à la mort et reconstruire la Terre ?
Son nom était Sam Montgomery.

Dans un endroit proche de la frontière du Mexique, à quelques kilomètres au-dessus, entre deux voitures stationnées dans une station-essence épargnée par les aléas du climat et autres catastrophes, une jeune mère s’accroupissait, prête à donner la vie. Elle était seule, personne ne pouvait l’aider, la secourir si besoin.
La courageuse jeune femme s’appuya sur la poignée d’une des voitures, abandonnée par ses précédents propriétaires. La plupart de la population s’était volatilisée, y compris le compagnon de la future mère. Tué par une des vagues qui avaient sillonné tout le pays, la demoiselle se trouvait à présent solitaire, sans personne sur qui prendre appui. Elle devrait faire face à ses responsabilités et éduquer son fils comme il se doit.
Peut-être trouverait-elle d’autres personnes si elle continuait la
route, mais comment faire ? Elle accouchait, pliée en deux sur le béton. Elle ne pouvait pas faire un pas de plus sans mettre en danger le bébé. Et elle ne pouvait se résigner à faire une telle chose. Ce serait du suicide. Car cet enfant, ce bout de chou qu’elle allait accueillir dans sa vie, serait bientôt sa seule raison d’exister.
La jeune femme se sentait mal en point, fiévreuse. Elle fit son possible pour ne pas flancher. Elle avait désespérément besoin d’un médecin, mais où aurait-elle pu en trouver un ? Il n’y avait pas d’hôpital aux alentours, surtout dans un quartier aussi apprêté et pauvre.
Elle n’avait plus qu’à espérer une intervention divine. Ce qui serait bientôt le cas, sans qu’elle ne s’en doute un instant. Elle serait épaulée par les divinités, qui lui feraient un cadeau inestimable : la réincarnation d’un dieu hindou.
Il était l’incarnation de l’amour, du bonheur divin qui efface la douleur. Il était l’Être suprême, dont le rôle était d’exterminer le mal. Détenant la conscience universelle, il avait terrassé des démons par milliers avec une grandeur et une noblesse que nul ne pouvait égaler.
Sa douceur, sa beauté et son intelligence lui avaient valu d’être aimé et choyé, puis admiré. Il était le soleil qui prodiguait la chaleur et la lumière. Néanmoins, il avait besoin des rayons qui le complétaient, de sa moitié divine. Le dieu Krishna ne pouvait exister sans sa compagne immortelle.
Et sans elle, l’enfant allait accumuler les objets, cherchant à être aimé. Il vouerait un culte aux richesses pour se sentir protégé et puissant. Il s’attacherait de façon compulsive et exagérée aux biens matériels, sans s’en rendre compte. Oui, le jeune garçon souffrirait de l’avarice, ce qui pourrait bien le perdre.
Il serait sans doute avare en argent, mais pas en caresses. Généreux en affection, il contrebalancerait son péché mortel par un amour surdimensionné. Il n’accumulerait qu’une fortune fictive et chercherait ensuite la richesse des sentiments. C’est là que les dieux verraient ses vraies dispositions à recréer le monde. Pourrait-il laisser partir ceux qu’il aimait, ceux auxquels il s’était attaché ? Voilà la vraie forme de l’avarice.
Une peur irraisonnée de perdre les personnes chères. La craintede les voir s’éloigner, car ils sont les véritables trésors, des êtres humains qui valent une infinité de pièces d’or.
Il se nommait Evan Sandoval.

 

Dans le berceau de la vie, là où l’humanité a commencé la toute première fois, un homme et une femme, tous deux à la peau sombre, se tenaient par la main. Une grande douleur transperçait le ventre de la toute jeune fille, à peine majeure. Les amants maudits s’étaient réfugiés dans un bâtiment insalubre, mais assez à l’abri pour éviter les accidents.
Les éléments se déchaînaient depuis une semaine à présent et le couple avait peur que les dieux leur fassent encore des représailles pour la mauvaise conduite de la race humaine. Ils allaient avoir un enfant, ils ne pouvaient pas se permettre de l’abandonner.
L’homme passa une main dans les cheveux de sa promise, puis sur sa joue, alors qu’elle cherchait son regard pour plus de soutien. Quand leurs yeux se rencontrèrent, ils surent qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Rien ni personne ne pouvait les séparer. C’était impossible.
Dans le continent qui s’appelait autrefois l’Afrique, les deux âmes soeurs comprirent qu’ils étaient peut-être les derniers survivants, les derniers à pouvoir s’entraider et se soutenir. Il fallait simplement qu’ils trouvent d’autres réfugiés qui voudraient peut-être créer une mini-société avec eux.
Car même à deux, s’ils continuaient à s’isoler, ils deviendraient tôt ou tard complètement fous. C’était indéniable et surtout, inévitable. Mais ce n’était pas le bon moment ni même le bon lieu pour penser à de telles choses. La jeune métisse allait avoir un enfant. Ils allaient avoir un enfant.
Ils se sourirent, les doigts enchevêtrés.
Les puissances célestes sélectionnèrent un homme de premier choix pour être la réincarnation du futur enfant. Selon les récits et les livres religieux, ce garçon avait été créé le sixième jour de la création du monde à partir de poussière issue de la terre, façonnée à l’image de Dieu.
Ne se contentant pas des animaux pour seule compagnie, on lui avait donné une compagne qu’il avait, comme il aimait le dire pour se vanter, modelée grâce à une de ses côtes. Ensemble, ils furent placés dans le jardin d’Eden, vivant nus sans être cachés et surtout, sans la moindre honte ni pudeur.
Tenté par un serpent, le paradis d’Adam se transforma bien vite en enfer.
Le garçon au prénom hébraïque fut moins puni que sa compagne, douce injustice. On lui indiqua bien volontairement qu’il la dominerait en chef et aurait tout pouvoir sur elle.
Heureusement, les mentalités eurent tendance à évoluer année après année. À la suite d’un long combat de plusieurs siècles, les femmes furent reconnues comme les égales de l’Homme. Pourtant, cette reconnaissance n’aiderait pas le jeune garçon à vaincre son péché capital : l’orgueil.
Il s’attribuerait des qualités qui ne seraient pas forcément les siennes, se penserait supérieur à quiconque. Il mépriserait ceux qu’il juge inférieurs, et son défaut mortel pencherait vers la vanité ou l’hypocrisie. On raconte que le Diable en personne était à l’origine de ce péché, pourtant Adam pourrait l’être aussi bien que lui. Le garçon serait vu comme le tout premier homme, celui à l’origine de tous les autres. Qu’on lui attribue Ève ou Lilith comme compagne, son péché serait bel et bien à la base de tous les autres : il entraînerait des enfants nommés Jalousie, Tristesse ou encore Gloutonnerie.
Il était Victor Keita.

 

Dans les dernières contrées d’Amérique, une future mère serrait la main de son père. Sa maman et son compagnon avaient péri dans les terres ensevelies et la jeune femme, folle de chagrin, se retrouvait seule avec son paternel pour élever son enfant.
Originaires d’une réserve amérindienne, ils s’étaient sauvés l’un l’autre pour le bien-être du chérubin. Faute d’un vrai père, le garçon aurait au moins un grand-père qui pourrait lui apporter sagesse et connaissances sur l’histoire de sa famille et de la magie indienne.
Un lien plus fort s’était créé entre la fille et son géniteur qui partageaient maintenant un même amour : celui qu’ils porteraient au trésor venant au monde.
La jeune femme poussa un cri de douleur et son paternel fit son possible pour la calmer, l’aider à oublier la souffrance qui transparaissait sur son visage. Il ne fallait pas qu’elle faiblisse, qu’elle abandonne ses forces.
Elle imaginait déjà les traits de son fils, pareils à ceux de son petit-ami disparu. Une noblesse dans le regard et une puissance de caractère seraient ses principaux atouts, ces attributs directement hérités de son père. Du moins, la jeune mère l’espérait.
L’enfant serait l’enveloppe charnelle du principal dieu de la mythologie nordique. Une divinité polymorphe, prenant tour à tour les synonymes de fureur, d’esprit ou de poésie. Puissance de la victoire et du savoir, il maîtriserait la magie et les prophéties en lien avec la chasse ou encore la guerre.
Il était la représentation d’un chef mythique et l’allégorie du compagnon guerrier dont la chasse est sauvage et sans pitié. Un de ses attributs était le corbeau, signe de mort et de mauvais présage. Armé d’une lance, on le représentait plus souvent comme un vieil homme barbu plutôt qu’un jeune homme en bonne santé.
Odin, dieu du ciel et juge de toutes les fautes.
Son penchant pour les paroles offensantes et la violence perdrait peut-être le nouveau-né. Les mouvements désordonnés et le désir de vengeance noieraient la peur et la raison, l’esprit.
Cette folie pourrait aussi bien être passagère qu’aveugle et dévastatrice envers ses proches et ses amis. L’indignation, le blasphème ou encore la querelle et l’outrage découleraient de ce péché : la colère.
Ce défaut mortel pourrait être causé par de multiples facteurs, en particulier par d’autres passions aussi puissantes que lui : l’Espoir, le Désir ou encore la Tristesse.
La colère pouvait en réalité prendre vie sous diverses formes : une envie dévorante, une frustration infinie, un désir inavoué, un sentiment d’injustice impardonnable.
Pourrait-il laisser de côté ses vices et ses emportements ? Serait-il
de taille à braver ses propres défauts pour gagner le coeur d’une jeune fille ? Sauverait-il le monde, comme allaient le tenter cinq autres garçons ?
Il se prénommerait Elke Caddoan.

 

Dans un désert aride et empli de sable, une femme d’entre deux âges pressait ses mains sur son ventre, un enfant trifouillant ses entrailles. La jeune mère, qui avait déjà eu deux enfants, perdus récemment dans les flots, souffrait au point de ne plus s’entendre crier.
Ce n’était pas comme ses précédentes grossesses. Celle-ci était différente. La femme était peut-être trop âgée pour avoir un enfant à présent. La douleur se révélait trop importante et le sang s’écoulant de ses jambes n’annonçait rien de bon.
Elle avait bien trop peur de perdre le bébé. Que se passerait-il s’il succombait ? Pourrait-elle se relever après avoir perdu un troisième enfant ? Elle n’en était pas si sûre. Cela la détruirait, de l’intérieur.
Mais au fond d’elle, un pressentiment grandit. Le garçon serait un battant, il survivrait. Cependant, l’un d’entre eux périrait. Si ce n’était pas son fils… Allait-elle mourir ? Laisser son fils seul face au monde ? Son compagnon pourrait-il élever leur progéniture ?
Ses dernières barrières, ses derniers moyens de résister tombèrent un à un. Elle se sentit tout à coup partir, trop faible pour résister. Il ne lui restait que quelques minutes à vivre, mais elle allait donner naissance à la chose le plus belle au monde : un garçon.
Pourtant, ce don de Dieu devrait faire face à un bien triste sort. Sa réincarnation ne serait pas de tout repos. L’essence même de la mythologie grecque s’insufflait dans le bambin au premier souffle qu’il inspira, au premier cri qu’il poussa.
Au même moment, sa mère succomba. Elle était morte en donnant la vie, ultime cadeau qu’elle faisait à son mari. Lui, sécha les larmes qui perlaient sur ses joues, rondes et claires, avant de bercer tendrement son enfant. Ce serait sa prunelle, sa raison de respirer.
Maître des enfers, Hadès prierait le monde de se soumettre et de se mettre à genoux devant lui. Son règne souterrain s’étendrait alors au-dessus de ses anciennes limites et il pourrait fouler les plaines et contrées où l’air frais s’envolait, vivifié et nettoyé de toutes les pollutions humaines.
Le prince des morts ne serait cependant pas obsédé par la vie dans l’au-delà, mais bien par tout autre chose. Les tentations les plus grandes seraient pour lui celles de la chair et du plaisir. Ce désir désordonné, cette jouissance incongrue pourraient le mener à sa perte.
Mal perçue par la religion, la luxure est sans doute le plus honteux et le plus grave de tous les péchés, perception contraire de celle de l’ère antique. Jugé comme immoral et malsain, ce défaut mortel n’aurait aucune emprise sur le garçon tant que son âme resterait équilibrée.
Son esprit ne devrait pas ployer sous les plaisirs charnels ni sous une luxure infinie. Tant que la sagesse garderait de l’attrait à ses yeux, le plus horrible défaut ne pourrait l’entraîner vers le fond. Il lui faudrait trouver l’amour, le soleil après la pluie, plutôt que de se laisser tomber dans la débauche, l’orage, les ouragans après quelques rayons de lumière.
Pourrait-il s’abandonner tout entier à une fille ? Sans chercher à la posséder seulement pour une nuit ?
Son identité était Nate Gibbs.

 

Sur une ancienne île, une femme approchant de la trentaine attendait son moment, sereine. Elle allait bientôt accoucher, mais aucune trace de crainte ne passait sur son visage. Oui, elle allait donner la vie, mais aucune douleur ne l’avait pour l’instant atteinte.
Son compagnon aux traits hawaïens se tenait à ses côtés pour la soutenir jusqu’à ce que leur petite fille ouvre ses poumons. Leur futur trésor allait combler sa mère japonaise et son père qui serait aux petits soins pour elle.
Elle deviendrait leur princesse, leur joyau. Mais son rôle ne s’arrêterait pas au fait de faire le bonheur de ses parents : une lourde tâche
l’attendait, un important poids et une très grande responsabilité reposaient sur ses frêles épaules.
Elle serait la clef du puzzle, celle qui donnerait un sens à tous les sacrifices qu’avaient fait les dieux. Selon son choix, selon la destinée qu’elle prendrait, le garçon qu’elle aimerait, elle pourrait mener la Terre à sa perte comme à sa résurrection.
Les dieux prirent soin d’apporter à son âme les moitiés de chaque garçon afin d’équilibrer et de contrebalancer l’équilibre des choses. Ainsi, ils épargnèrent à la belle le souffle d’Ève et envoyèrent à sa place Lilith, qu’ils pensaient plus forte de caractère. Face à l’orgueil du nouvel Adam, la jeune fille devrait faire preuve de poigne.
Première femme, bien avant sa rivale, elle était le symbole de la révolte féminine. Domptant le serpent telle une démone, elle pourrait très bien asservir le fougueux homme originel. Après tout, ils formaient le couple mythique, ayant créé l’humanité. Pourraient-ils réitérer cet exploit ?
Sa deuxième part divine serait Mâat, déesse égyptienne qui tranquillise la paresse en l’affaiblissant. Symbole de l’équité ou de la vérité accompagnant la justice et la paix, elle pourrait réanimer le feu qui attend dans le coeur de notre nouveau Thôt.
Râdha serait aussi un de ses penchants, l’adoratrice favorite de Krishna. Parfois vêtue de blanc, l’allégorie de l’innocence offrirait son coeur au dieu hindou sur tous les plans de l’amour intégral, à la fois physique et spirituel.
La vraie question était de savoir si elle parviendrait à limiter les ardeurs du descendant du dieu de la mort. Ses envies seraient difficiles à repousser, même pour la reine des enfers. Perséphone serait peut-être à la hauteur, pour construire villes et cités tout en gardant auprès d’elle un homme conquis.
La comparse d’Odin deviendrait également un côté de la personnalité de l’enfant. La patronne du mariage, de l’amour du foyer, se concentrerait pour évacuer la colère du nouveau dieu nordique. Sa magie agirait peut-être sur sa destinée et celle de tous les Hommes.
Enfin, ils accordèrent à la future enfant une part de liberté, de nouveauté. Un caractère inédit inconnu jusqu’alors prendrait parfoispossession de son corps, afin de laisser une chance au renouveau, sans forcément d’ancienne héroïne pour en être la représentante.
Mais comme chacun de ses prétendants, la belle serait dotée d’un péché mortel. Une envie démesurée de boire ou de manger sans en avoir besoin la tenaillerait quelques fois. Habituée à un plaisir non nécessaire, il se pourrait que la jeune fille ne trouve jamais le bonheur.
Périrait-elle à cause de la nourriture ou de l’ivresse ? Car il existe bien deux formes de gourmandise différentes. Mais il est pourtant dit que ce n’est pas vraiment un défaut, il suffit de se mesurer et de s’octroyer de temps en temps le plaisir de la bonne chère.
Cela présagerait-il une envie qui dépasserait les délices et les mets fabuleux ? S’abandonnerait-elle aux goûts sucrés des lèvres d’un garçon ? À la gloutonnerie face aux saveurs salées de la peau d’un prétendant ?
Si la jeune fille ne basculait pas dans l’excès, sans doute pourrait-elle vaincre l’Envie, le péché du dernier homme à se présenter à elle.
Elle était Dakota Ohana.

 

En effet, le dernier garçon naîtrait très bientôt. Ses parents, situés quelque part entre la botte de l’Italie et les premières côtes du Nord de l’Afrique, attendaient la naissance du futur prodige. D’une autre manière, ils sentaient que leur fils aurait un destin parsemé d’embûches.
Un handicap lui rendrait la vie difficile et il devrait être vertueux pour dépasser ses craintes et ses faiblesses.
De plus, les dieux n’avaient préparé pour lui aucune réincarnation ou héros. Le jeune homme serait une nouvelle édition pure souche de l’humain et devrait se débrouiller seul, par lui-même. Point d’anciens exploits antiques ou de réminiscences héroïques pour l’épauler. En faisant confiance à son instinct et à ses intuitions, peut-être pourrait-il séduire la clef des temps, la jeune fille souffrant de Gourmandise, et bâtirait avec elle un avenir le plus heureux possible.
Cependant, les puissances divines pensèrent qu’il devrait lui aussi posséder un péché capital, au même titre que ses semblables. C’est ainsi qu’on lui offrit le dernier défaut mortel qui l’obligerait à convoiter tout bien d’autrui.
On dit souvent que chaque vice s’oppose à une vertu, et le bruit court que l’Envie est l’ennemi de l’Amour. Pourtant, d’amour, il succomberait. En tombant aux pieds de la pièce maîtresse de ce mécanisme vivant, il pourrait alors se libérer de son péché et éteindre sa jalousie.
L’Envie pourrait être perçue comme innocente et poétique, cependant elle pourrait mener à accomplir de grandes prouesses ou commettre des actes plus que répréhensibles. On dit aussi qu’elle est laide et aveugle, ou pire, borgne.
Péché presque favori des démons, ce défaut capital pourrait attenter au bonheur et à la réussite d’autrui, avant d’amener le garçon à jubiler des défaites des autres. Enfin, elle se transformerait en haine pour ce que l’on ne peut avoir.
La jalousie pourrait-elle s’amoindrir grâce aux bienfaits de l’amour ? Dakota panserait-elle les blessures du garçon ? La comblerait-il ? La Gourmandise défierait-elle l’Envie ?
Son nom était Wyatt Beatini.

 

 

La suite dans S.E.V.E.N : Les Héritiers

Tome de SEVEN : les héritiers de Maëva Catalano